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A mon Corps,
A Paris, Le 28 octobre 2021
Cher Corps,
Bonjour mon corps, bonjour à toi qui m’accompagne depuis mes premiers
instants, qui me porte dans les moindres moments de ma vie, qui me présente et me
représente aux yeux des autres. J’ai longtemps hésité à t’écrire, à te parler, à discuter
de nous deux. J’ai longtemps refusé de te regarder, de te dire les choses.
J’ai pensé qu’on arriverait à changer, à s’adapter, que je passerais outre ce sentiment
qui me ronge et me hante depuis voilà maintenant quelques années.
Mais pourtant ça ne va pas. Je ne vais pas bien. Je n’arrive pas à t’admirer
comme je le devrais, à t’accepter comme je le voudrais. Malgré les remarques des
autres et leur volonté à t’accueillir, moi je veux te repousser : Je ne t’aime pas, je te
hais. Je me hais.
Tes contours me semblent disgracieux dans le moindre reflet, par le moindre
toucher. Tes volumes me font sentir horrible et lourde et la gène m’envahit dès qu’il
est question de te dévoiler. Chaque interaction en compagnie des autres m’inquiète et
m’angoisse par ta présence.
Ce n’est sûrement pas de ta faute, je ne sais pas si l’image que j’ai de toi est
la mienne ou celle façonnée par les autres au fil de nos années. Mon regard sur toi a
toujours été délicat, maladroit, plein de doute et de rage. J’aurais aimé que l’on change,
que l’on s’apprécie enfin dans une relation positive. Malheureusement ce n’est pas le
cas.
J’avais besoin de t’écrire, de te montrer, de te démontrer notre relation
conflictuelle. J’avais besoin de te parler de mon mal-être perpétuel, de mon
ressenti quand mon regard te croise dans le miroir, de mes larmes quand,
encore une fois, tout me fait comprendre que c’est toi qui pose le problème.
Je ne t’en veux pas, peut être qu’un jour cela changera, mais j’avais
besoin de t’écrire, de sortir ces sentiments si longtemps enfouis, d’exprimer,
face à ceux qui veulent le voir, mon malaise constant, ma pénibilité quotidienne.
Ce message, mon Corps, il t’est adressé, il t’est personnel et il m’est cher.
Alors, voici pour toi ma complainte.





Dysmorphia















