Louison Boucly


Photographe et vidéaste
Basée à Paris

37,1




A mon Corps,

A Paris, Le 28 octobre 2021



Cher Corps,

Bonjour mon corps, bonjour à toi qui m’accompagne depuis mes premiers

instants, qui me porte dans les moindres moments de ma vie, qui me présente et me

représente aux yeux des autres. J’ai longtemps hésité à t’écrire, à te parler, à discuter

de nous deux. J’ai longtemps refusé de te regarder, de te dire les choses.

J’ai pensé qu’on arriverait à changer, à s’adapter, que je passerais outre ce sentiment

qui me ronge et me hante depuis voilà maintenant quelques années.

Mais pourtant ça ne va pas. Je ne vais pas bien. Je n’arrive pas à t’admirer

comme je le devrais, à t’accepter comme je le voudrais. Malgré les remarques des

autres et leur volonté à t’accueillir, moi je veux te repousser : Je ne t’aime pas, je te

hais. Je me hais.

Tes contours me semblent disgracieux dans le moindre reflet, par le moindre

toucher. Tes volumes me font sentir horrible et lourde et la gène m’envahit dès qu’il

est question de te dévoiler. Chaque interaction en compagnie des autres m’inquiète et

m’angoisse par ta présence.

Ce n’est sûrement pas de ta faute, je ne sais pas si l’image que j’ai de toi est

la mienne ou celle façonnée par les autres au fil de nos années. Mon regard sur toi a

toujours été délicat, maladroit, plein de doute et de rage. J’aurais aimé que l’on change,

que l’on s’apprécie enfin dans une relation positive. Malheureusement ce n’est pas le

cas.

J’avais besoin de t’écrire, de te montrer, de te démontrer notre relation

conflictuelle. J’avais besoin de te parler de mon mal-être perpétuel, de mon

ressenti quand mon regard te croise dans le miroir, de mes larmes quand,

encore une fois, tout me fait comprendre que c’est toi qui pose le problème.

Je ne t’en veux pas, peut être qu’un jour cela changera, mais j’avais

besoin de t’écrire, de sortir ces sentiments si longtemps enfouis, d’exprimer,

face à ceux qui veulent le voir, mon malaise constant, ma pénibilité quotidienne.

Ce message, mon Corps, il t’est adressé, il t’est personnel et il m’est cher.

Alors, voici pour toi ma complainte.







Dysmorphia